jeudi 2 février 2017

Les condors

Etranges citadelles façonnées de palissades défraichies qui abritent depuis des siècles le petit peuple asservi où tous se rejoignent dans une de ces danses macabres et décadentes à jouer les morts-vivants jusqu'à l'épuisement.

La fourmilière s'est vue parquée sur le sol d'anciens cimetières, eux-mêmes sont mort-nés et étreignent inlassablement les parades postnuptiales dans les couches usées de leur bâtisse insalubre. Ils pavanent dans leurs lambeaux de tissus à s'écouter divaguer sur d'absolus sujets dont ils tirent leurs raisonnements, de ces échos menaçants, qui se tiennent invisibles dans leur salon. Le mépris est la seule arme qui leur reste, en mesure participative à ce monde, et qui les tiennent résolument à l'écart de la vie. La marche de l'Empereur se joue à des milliers de kilomètres de leur parterres assoiffés de béton et de mauvaises herbes. Les pauvres ont le sang chaud, ils bouillonnent dans le chaudron de leurs mélasses et des addictions qu'ils multiplient pour tenir encore quelques heures dans la piètre condition de leur tacle familiale. Ils lambinent sur les assises d'anciens meubles récupérés pour aménager l'espace et combler les manques. Les femmes sont illégitimement mère quand elles imaginent leur rôle comme la solution sinequanone à la fastidieuse existence qu'elle mène depuis la fin de leur adolescence. Les corps sont devenues bien malgré eux des machines à procréation malsaine qui se décharnent à mesure que la vie s'échappent de leurs entrailles. La putrescence s'octrois des sournoiseries sur le visage de ces poupins qui bavent et se déforment quand la faim tiraillent leurs viscères. La vie, se disent-ils, sera résolument gouvernée par ce sentiment de manque qu'ils combleront comme ils le peuvent dans les années futures. Les instruments de la honte vont et viennent dans les rues, ils s'ennuient et tour à tour reproduisent le schéma à l'identique de leurs ainés et ils feront de leurs complaintes, des chants peu élogieux de leur camaraderie d'antan. La véritable différence se révèlera lorsqu'ils iront se mêler à la ville quand l'heure de l'affrontement aura sonné et là ils tomberont nez à nez avec les commanditaires de leurs partisante infanterie. Ils sont les reclus, les pauvres, les damnés de ceux qui meurent de faim dans les condors de la ville fantôme. De ceux que l'on ne veut rien savoir, de ceux qui ne connaissent rien aux valeurs de la civilisation et de ceux qui n'espèrent rien de ce monde. Les enfants croupissent entassés les uns sur les autres dans des cages trop petites qui limitent leurs sens à celle de la survie. Les nouveau-nés braillent et les parents enchainent les cassures émotionnelles pour vriller sur les couches superficielles des images pixélisées. Le paradis artificiel est la seule souche de bonheur qu'ils puissent toucher des yeux pour sortir de leurs insupportable condition. Le quotidien se résument aux mêmes gestes, à la même danse dilettante pour parfaire la méprisable vie qu'ils embrassent de jour comme de nuit.

Le petit peuple subit la pression sociale, il la subit depuis les fenêtres de leur abri de fortune. La pagaille se heurte aux hurlements, à la violence de la jeunesse et aux armes qui se lèvent contre les autorités et leurs rangers parfaitement cirées. La vie, où tout du moins, ce qui en reste se déchaine et gargarise enfin la mauvaise image, celle tant attendue par les médias et qui sera relayée au quatre coins du monde par un de ces caméramans qui braque son matériel haut de gamme sur le visage affairé de ses victimes. Ces hordes puériles et écervelées qui ne comprennent pas pourquoi les marcheurs souillent leurs terres endormies. Ces terres qui endorment leur peuplade et détruisent les rêves sous des ciels éternellement gris. Alors ils se battent pour exprimer une colère, une incompréhension face à cette ville qui grouille au loin et qui enrichit les hautes autorités tout en jouissant d'un confort inégal et d'une faim toujours satisfaite. Ils meurent de rancœur, d'humeur maussade et de valeurs un peu bancales qui gravitent autour d'eux comme la peste boréale dans la noirceur de leurs états limites. La fin justifie toujours les moyens que l'on emploie pour causer sa perte et le dernier saut vaut bien quelques éclaboussures pourpres.

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