mardi 27 décembre 2016

Le prestidigitateur


Pas une ombre au tableau ne laissait présager ta sortie de scène. Et pourtant, un sentiment coutumier me renvoyait inéluctablement à nos souvenirs usés. Je pensais que nos enfantillages se conjugueraient cette fois à l’imparfait mais malheureusement, nos erreurs et nos manquements se sont employés à ressurgir sur l’écran noir de nos souvenirs comme une mauvaise rediffusion…

Tu es assurément bon vivant, d’un naturel bon enfant. Les images défilent et ton sourire mécanique s’affiche joliment sous cet air mutin de jeune premier. Je te vois trainer sans relâche sous les œillades de tes partenaires de soirée à distribuer tes sonates agréables et à amuser l’assemblée. Ton prégnant souvenir se heurte à notre implacable dualité et ses revers assassins. La tranquillité de tes gestes cache une agitation de dernière minute, un gout d’inachèvement en perte de vitesse que tu tentes vainement de combler. Ton aura crépite sous les feux de tes projecteurs. Ma tête comme trophée malsain de cette histoire sans lendemain. Le cœur est à l’honneur dans ton quartier de haute sécurité mais les gardes veillent sans relâche. Ils se méfient des roulements de tambour, des grandes épopées funestes que nos sentiments finissent par déclencher. Cette fois c’est la raison qui aura eu le dernier mot sur la passion et je courbe fébrilement l’échine pour laisser la lame du rasoir me transpercer, sans geindre, parce que je ne m’opposerai pas à ton choix, aussi implacable soit-il.

La vanité est une traitresse qui nous écrase les doigts à chaque fois que nous pensons à elle. Tous ces combats que nous menons à bras-le-corps nous poussent dans nos derniers retranchements. Ils finissent par nous perdre dans les enchevêtrements de nos distorsions et nous bannissent du monde réel. Tu vis dans l’ombre d’un monde qui n’est pas le tien. Le prestidigitateur n’appartient à aucun autre qu’à lui-même. Il croupit dans le silence de sa solitude pendant que ses hôtes vivront éternellement jeunes et heureux.

Je vais continuer de trainer des brides de notre histoire comme le fardeau d’un fou et je vais brandir, chaque jour, le drapeau de ma culpabilité et de mon amertume comme le sceau sacré de notre histoire. Dans cette mélasse de disgrâce, je continuerai de t’aimer et d’aimer la moindre particule de ta non moins curieuse personne parce que c’est finalement la seule chose qui compte à mes yeux.

Eternellement tienne,

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