Le spectre de ton souvenir interagit avec les fenêtres ouvertes de mon avenir. Ton obscurité grandissante se heurte constamment à ma lumière. Ton ombre se devine même lorsque les rayons du soleil tapissent mon horizon. Tu danses telle une jeune insolente sur les murs de ma raison. Tu terrifies les petits hommes en nourrissant leurs peurs de tes étranges apparitions. Je te crains toi qui me surprend toujours de ton implacable froideur. La glace se devine dans le cristallin de ton iris. Je n'ose jamais croiser le marbre de tes yeux noirs. Ta gestuelle est lente. Ta gestuelle est inquiétante. Personne ne veut se trouver sur ton chemin. Le monde craint ton impétueuse fureur et s'inquiète de ton pacte maléfique avec la mort. Tu déambules dans le vestibule de mes idées sombres. Je ne sors plus la nuit. Tes attaques nocturnes défraient la chronique. Tu fais la une des journaux locaux. Je suis parée à toute éventualité mais pas à celle de ta nocive renommée.
La lumière continue de filtrer. Je distingue quelque chose par la fente des volets. Les rainures laissent entrevoir d'autres terres. Les routes ne sont pas sinueuses. Elles sont droites et me dirigent comme un guide vers l'horizon. Les étendues de plaines vierges sont autant de possibilités d'avancer vers la lumière. Le soleil distille ses rayons bienfaiteurs et nous protège contre les hostiles lueurs de la nuit.
La pénombre est tombée sur la ville. La danse macabre se devine dans les flammes chaudes du feu de camp. Les flammes virevoltent. Les flammes crépitent. Chacun apporte sa contribution et s'installe autour du feu. Ils veilleront jusqu'à l'aube. Ils essaieront de tromper l'ennui mais le silence ne trompera pas leur ennemi. Il se cache dans l'ombre prêt à surgir de toute part. Il cherchera à pénétrer les esprits. Il recherche le contrôle à tout prix. Il veut détenir jusqu'à la moindre fibre humaine. Personne n'est à l'abri de son emprise. Personne n'échappera à sa frénésie.
Ce mal contagieux n'est autre que la tristesse. Les personnes contaminées développent rapidement les premiers symptômes. C'est une douleur latente avec laquelle il faut composer quotidiennement. Elle demeure tapis dans l'ombre. Silencieuse. Elle dort dans le linceul de nos meurtrissures. Elle se fait discrète tant que le temps n'est pas propice à sa propagation. Elle s'efface dans le royaume des ombres. Cette armure de pierre se heurte rarement à la lueur des aurores boréales. Sa seigneurie peut y vivre tapis dans l'ombre tout en nous observant de son œil aguerri. La tristesse est une douleur continue qui nous laisse souvent l'ivresse de ses étreintes. L'angoisse née de ses doigts étrangleurs. Nous sommes sa promise meurtrie. Ces bras dont nous sentons l'étreinte puissante et que nous prenons pour l'hardiesse des premiers émois amoureux sonnent bien souvent le glas sur nos oppressantes carcasses. Nos simples vies se frayent un chemin dans les dédales du monde obscure et nous nous enfonçons peu à peu dans les sables mouvants de nos eaux stagnantes. C'est alors que dans un dernier élan de désespoir, nous rejoignons à la nage ces profondeurs opaques où nous nous brisons sur l'écueil de nos vies passées.
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